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La ‘persécution collective’ de Julian Assange doit cesser maintenant, affirme un expert de l’ONU

Le fondateur de Wikileaks, Julian Assange, lorsqu'il était réfugié à l'intérieur de l'ambassade d'Equateur à Londres
Source capture d'écran d'une vidéo du HCDH
Le fondateur de Wikileaks, Julian Assange, lorsqu'il était réfugié à l'intérieur de l'ambassade d'Equateur à Londres

La ‘persécution collective’ de Julian Assange doit cesser maintenant, affirme un expert de l’ONU

Droits de l'homme

Après avoir rendu visite à Julian Assange dans une prison londonienne, un expert indépendant des droits de l'homme de l'ONU a lancé vendredi un appel contre son extradition aux Etats-Unis, soulignant son inquiétude concernant le sort du co-fondateur de Wikileaks, accusant « un groupe d'Etats démocratiques » de se « liguer » contre le prisonnier pour « l'isoler, le diaboliser et le maltraiter ».

« Mon inquiétude la plus urgente est qu'aux Etats-Unis, M. Assange soit exposé à un risque réel de violations graves de ses droits de l'homme, y compris sa liberté d'expression, son droit à un procès équitable et l'interdiction de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants  », a déclaré Nils Melzer, le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture, dans une déclaration.

La santé de M. Assange a été gravement affectée par l'environnement extrêmement hostile et arbitraire auquel il a été exposé pendant de nombreuses années - expert de l'ONU

Il s'est dit « particulièrement alarmé » par l'annonce récente que le ministère américain de la Justice avait déposé 17 nouvelles charges contre M. Assange en vertu de la loi sur l'espionnage, ce qui pourrait conduire à une peine de 175 ans de prison.

« Cela pourrait bien aboutir à une peine d'emprisonnement à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle, voire même à la peine de mort, si d'autres accusations devaient être portées à l'avenir », a déclaré le Rapporteur spécial, qui a également fait le point sur l’état de santé de M. Assange.

Selon certaines informations, jeudi il était trop malade pour comparaître par vidéoconférence depuis une prison britannique lors d'une audience concernant une demande d'extradition émanant des États-Unis.

Bien que M. Assange ne soit pas détenu à l'isolement, M. Melzer s'est dit gravement préoccupé par la fréquence et la durée limitées des visites des avocats et par le manque d'accès aux dossiers, qui rendent impossible la préparation d’une défense adéquate.

« En 20 ans de travail avec les victimes de la guerre, de la violence et de la persécution politique, je n'ai jamais vu un groupe d'États démocratiques s'unir pour isoler, diaboliser et maltraiter délibérément un seul individu depuis si longtemps et avec si peu de respect pour la dignité humaine et l'État de droit », a affirmé M. Melzer.

« Depuis 2010, lorsque Wikileaks a commencé à publier des preuves de crimes de guerre et de torture commis par les forces américaines, nous avons assisté à un effort soutenu et concerté de la part de plusieurs États pour faire extrader M. Assange vers les États-Unis aux fins de poursuites, ce qui suscite de vives inquiétudes quant à la criminalisation du journalisme d'investigation en violation de la Constitution américaine et du droit international des droits humains », a déclaré l'expert.

Depuis lors, il y a eu une « campagne implacable et sans retenue de mobbing public, d'intimidation et de diffamation » contre l'accusé - non seulement aux Etats-Unis, mais au Royaume-Uni, en Suède et plus récemment en Equateur - qui inclut des déclarations humiliantes, dégradantes et menaçantes dans la presse et sur Internet ainsi que par des personnalités politiques et magistrats impliqués dans des procédures, a déclaré le Rapporteur.

« Au cours des neuf dernières années, M. Assange a été exposé à des abus persistants et de plus en plus graves, allant de la persécution judiciaire systématique et de l'emprisonnement arbitraire à l'ambassade équatorienne, à son isolement oppressant, au harcèlement et à la surveillance à l'intérieur de l'ambassade, au ridicule, aux insultes et à l'humiliation collectifs délibérés, à l'incitation à la violence et même à l'assassinat à répétition », a déclaré l'expert des Nations Unies.

Nils Melzer, Rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture
ONU/CINU Buenos Aires
Nils Melzer, Rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture

Des symptômes de torture psychologique

Le 9 mai, le Rapporteur spécial a rendu visite à M. Assange avec deux experts médicaux spécialisés dans l'examen des victimes de mauvais traitements. L'équipe a parlé au détenu et a procédé à une évaluation médicale approfondie.

« Il est évident que la santé de M. Assange a été gravement affectée par l'environnement extrêmement hostile et arbitraire auquel il a été exposé pendant de nombreuses années », a déclaré l'expert. « Mais surtout, en plus des maux physiques, M. Assange présentait tous les symptômes typiques d'une exposition prolongée à la torture psychologique, y compris le stress extrême, l'anxiété chronique et le traumatisme psychologique intense ».

Qualifiant les preuves d' « écrasantes et claires », M. Melzer a soutenu que M. Assange « a été délibérément exposé, pendant plusieurs années, à des formes progressivement graves de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, dont les effets cumulés ne peuvent être qualifiés que de torture psychologique ».

Le Rapporteur spécial a condamné « avec la plus grande fermeté » le « caractère délibéré, concerté et durable des mauvais traitements infligés » au détenu.

« En affichant une attitude de complaisance au mieux et de complicité au pire, ces gouvernements ont créé un climat d'impunité qui encourage la diffamation et les abus sans entraves de M. Assange », a affirmé l'expert.

Dans des correspondances officielles, M. Melzer a exhorté les quatre gouvernements concernés à cesser toute activité préjudiciable aux droits de l'homme de M. Assange et à lui accorder réparation et réadaptation pour les préjudices causés dans le passé.

Il a appelé le Royaume-Uni à ne pas extrader le prisonnier vers les États-Unis ou tout autre État qui ne fournirait pas de garanties contre son transfèrement ultérieur vers les États-Unis, et a rappelé au Royaume-Uni son obligation d'assurer à M. Assange un accès sans entrave à un avocat et une préparation adéquate à sa procédure.

« La persécution collective de Julian Assange doit cesser ici et maintenant ! », a conclu l'expert de l'ONU.