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Conseil des droits de l’homme : les défis de l’amnistie et de la réconciliation en Côte d'Ivoire

Vue générale de la salle de l'Alliance des Civilisations qui abrite le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies à Genève.
Photo : ONU/Jean-Marc Ferré
Vue générale de la salle de l'Alliance des Civilisations qui abrite le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies à Genève.

Conseil des droits de l’homme : les défis de l’amnistie et de la réconciliation en Côte d'Ivoire

Droits de l'homme

 Lors de sa troisième audition organisée à Genève par le groupe de travail sur l’examen périodique universel (EPU), la Côte d’ivoire a été félicitée pour les progrès réalisés en matière de protection des droits de l’homme. 

« C’est un satisfecit parce que sur les 181 recommandations que nous avons acceptées, le taux de mise en œuvre est pratiquement de 90% », a déclaré dans un entretien accordé à ONU Info, la Secrétaire d’Etat auprès du Ministre de la justice et des droits de l’homme, chargée des droits de l’homme.

Au lendemain de ce passage devant le Conseil des droits de l’homme, Mme Aimée Zebeyoux parle de « satisfecit dans pratiquement tous les domaines, tant au niveau de la constitution, des droits de la femme, des droits de l’enfant, de l’accès à la santé ».

Malgré ce satisfecit, il a été aussi question des défis de la réconciliation. Certains pays ont interpellé Abidjan sur cette question, mais aussi sur l’épineux dossier de l’amnistie des auteurs de violations des droits de l’homme durant la crise post-électorale de 2010. C’est le cas du Royaume-Uni qui a envoyé une question avant l’examen du rapport. Londres a ainsi demandé à Abidjan les mesures qu’elle a prises pour encourager la réconciliation nationale en Côte d’Ivoire et minimiser le risque de violence pendant le processus des élections présidentielles de 2020. 

Retour des exilés politiques

« Au lendemain de la crise post-électorale, le gouvernement a mis en place plusieurs structures dont la Commission dialogue, vérité et réconciliation, le cadre permanent de dialogue, la commission de réconciliation et d’indemnisation des victimes, le programme national de cohésion sociale », a ajouté Mme Zebeyoux.

Depuis janvier 2019, la Côte d’Ivoire se penche sur la réforme de la Commission électorale indépendante « en vue de garantir un processus électoral inclusif, transparent, apaisé en 2020 ». 

« C’est dans ce sens-là qu’un dialogue interactif est en cours avec les forces politiques et les acteurs de la société civile », a précisé la Secrétaire d’Etat. Cette politique de réconciliation s’est traduite aussi par le retour des exilés politique. C’est le cas le 31 janvier 2019 quand cinquante-quatre réfugiés, constituant le 146e convoi, parmi lesquels certains dirigeants du pouvoir de l’ex Président Laurent Gbagbo, sont rentrés dans leur pays. Ce processus de réconciliation nationale se manifeste enfin par « un dialogue permanent avec les chefs religieux et coutumiers et la mise en place de la Chambre des rois qui participe aussi à ce dialogue ».

Par ailleurs, le rapport présenté par la Côte d’Ivoire rappelle que le 6 août 2018, le Gouvernement a pris une ordonnance portant amnistie pour consolider la cohésion sociale et la réconciliation nationale. « Il faut noter que l’amnistie a été saluée par la population ivoirienne parce qu’on a besoin que la Côte d’Ivoire se réconcilie avec ses fils et filles du pays », a relevé la Secrétaire d’Etat ivoirienne. 
Une amnistie qui exclut les militaires et les membres des groupes armés

Or dans le résumé des communications des parties prenantes, un rapport du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme est revenu sur les préoccupations exprimées par l’ONG Amnesty International. Cette dernière a demandé à Abidjan « de veiller à ce que les amnisties, grâces et autres mesures ne fassent pas obstacle aux enquêtes et poursuites pour des crimes relevant du droit international et n’empêchent pas de prendre des mesures visant à garantir aux victimes l’accès à la vérité, à la justice et à des réparations adéquates ».

L’amnistie n’est pas une forme d’impunité - Aimée Zebeyoux, Secrétaire d’Etat aux droits de l’homme de la Côte d'Ivoire

Face à cette interpellation, Mme Zebeyoux a défendu la stratégie ivoirienne. « L’amnistie n’est pas une forme d’impunité », a-t-elle fait valoir, rappelant au passage que « cette ordonnance exclut de son champ d’application les militaires et les membres des groupes armés ». 

Et selon la Secrétaire d’Etat chargée des droits de l’homme, l’amnistie n’a aussi aucun effet sur la réparation des victimes. « Les indemnisations continuent d’avoir lieu. Le processus d’indemnisation continue avec le ministère en charge de cette question », a mentionné la Cheffe de délégation ivoirienne lors de cette troisième session de l’EPU. 

Le rapport présenté par la Côte d’Ivoire note qu’une stratégie nationale de réconciliation et de cohésion sociale a été adoptée le 7 juin 2017. Ce qui a permis la mise en place d’un fonds spécial doté d’un apport initial de 10 milliards de FCFA en vue de l’indemnisation des victimes des crises survenues en Côte d’Ivoire. 

La crise de 2010-2011 a éclaté lorsque le président en fonction à l’époque, Laurent Gbagbo, a refusé de céder le pouvoir à Ouattara suite à l’élection présidentielle de novembre 2010. Cette crise survenait au bout de plus de dix ans d’instabilité politique et de violence.