L'actualité mondiale Un regard humain

Afghanistan : malgré des progrès, il reste un long chemin à parcourir pour éradiquer la torture (ONU)

La Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, Michelle Bachelet.
OIT/M. Creuset
La Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, Michelle Bachelet.

Afghanistan : malgré des progrès, il reste un long chemin à parcourir pour éradiquer la torture (ONU)

Droit et prévention du crime

Malgré « une réduction encourageante des cas de torture depuis 2016 », l’ONU s’est inquiétée du nombre élevé de détenus ayant signalé des faits de torture et de mauvais traitements en Afghanistan.

Le dernier rapport sur le traitement des détenus liés au conflit dans ce pays publié ce mercredi, révèle que près du tiers des détenus interrogés ont fourni des récits fiables sur le fait qu'ils ont été soumis à la torture ou à des mauvais traitements.

Dans l’ensemble, parmi les personnes détenues par les forces de défense et de sécurité nationales afghanes, 32% des personnes de l’échantillon ont déclaré avoir été torturées et maltraitées, contre 39% au cours de la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2016. La réduction a notamment été plus marquée en 2018, notamment dans les locaux de la Direction nationale de la sécurité (DNS) où le nombre de cas de torture et de mauvais traitements infligés aux personnes interrogées est passé de 29% à 19% en 2018. 

S’agissant des détenus liés au conflit et incarcérés par la Police nationale afghane, la proportion de ceux qui ont signalé des actes de torture ou des mauvais traitements est tombée de 45% à 31% au cours de la période précédente. Les jeunes sont plus à risque de subir des mauvais traitements.

Etouffement, décharges électriques ou brutalités sur les organes génitaux

Selon la Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Michelle Bachelet, les conclusions du rapport démontrent que les politiques mises en place pour lutter contre la torture et les mauvais traitements sont efficaces, mais elles sont loin d’être suffisantes.

« Il y a un an, en ce jour même, le gouvernement afghan s’est engagé à prévenir la torture en adhérant au Protocole facultatif de la Convention contre la torture », a rappelé Mme Bachelet.

Le rapport conjoint de la Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan (MANUA) et du Bureau des droits de l’homme des Nations Unies a été publié en marge du premier anniversaire de l’adhésion du pays au Protocole facultatif à la Convention des Nations Unies contre la torture. Le document de l’ONU montre qu’il existe également des différences majeures en fonction de l’emplacement des lieux de détention.

Si en moyenne 31% des détenus des installations de la police nationale afghane (PNA) signalent avoir été torturés ou maltraités, « le taux de détention à la police à Kandahar était très inquiétant », avec un taux de près de 77%.  Il s’agit notamment d’allégations de formes brutales de torture telles que l’étouffement, des décharges électriques, et la suspension au plafond. Les allégations de disparition forcée à Kandahar ont également persisté au cours de la période considérée.

Ce rapport de l’ONU est le fruit d’entretiens avec 618 détenus dans 77 centres répartis dans 28 provinces du pays entre le 1er janvier 2017 et le 31 décembre 2018. La forme la plus courante de torture et de mauvais traitements était des coups ou raclée. La grande majorité des détenus ont déclaré avoir été torturés ou maltraités pour les forcer à avouer et que le traitement avait cessé dès que des aveux ont été obtenus.

Pour un mécanisme national de prévention et de surveillance

Par ailleurs, l’ONU s’est préoccupée du traitement des détenus liés au conflit dans certaines installations de la DNS, notamment dans les provinces de Kaboul, de Khost et de Samangan, ainsi que dans les locaux du Département de la lutte antiterroriste.

Le rapport met également en évidence des cas de détention illégale et arbitraire, y compris à la suite d’arrestations massives, par les forces spéciales de la DNS et la force de protection de Khost.

Face à ce tableau décrit par le rapport, la cheffe des droits de l’homme de l’ONU exhorte Kaboul à œuvrer rapidement à la création d’un mécanisme national de prévention afin de garantir un contrôle indépendant et impartial du traitement des détenus.

« Un tel organe de surveillance doté de ressources suffisantes, capable d’effectuer des visites inopinées dans les lieux de détention et de sensibiliser, peut largement contribuer à l’objectif ultime d’éradication totale de la torture », a ajouté Mme Bachelet.

De son côté, le Représentant spécial de l’ONU en Afghanistan tout en se félicitant des mesures prises par le gouvernement pour prévenir et enquêter sur les cas de torture et de mauvais traitements au cours des deux dernières années, admet toutefois le chemin qui reste à parcourir. « Il reste encore beaucoup à faire pour éliminer cette pratique horrible envers les détenus liés au conflit. Le respect de l’Etat de droits et des droits de l’homme est le meilleur moyen de créer les conditions d’une paix durable », a fait valoir Tadamichi Yamamoto.

A noter que le rapport n’aborde pas la question de la privation de liberté par des éléments antigouvernementaux.