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Mali : l'ONU dénonce l'impunité après le massacre d’Ogossagou dans la région de Mopti

Le personnel de l'UNICEF rencontre la population de Bankass, dans le centre du Mali, suite à l'attaque du 23 mars au cours de laquelle plus de 150 personnes ont été tuées, 2.000 ont été déplacés et de nombreuses huttes et greniers ont été brûlés.
UNICEF/Maiga
Le personnel de l'UNICEF rencontre la population de Bankass, dans le centre du Mali, suite à l'attaque du 23 mars au cours de laquelle plus de 150 personnes ont été tuées, 2.000 ont été déplacés et de nombreuses huttes et greniers ont été brûlés.

Mali : l'ONU dénonce l'impunité après le massacre d’Ogossagou dans la région de Mopti

Paix et sécurité

Au Mali, le massacre perpétré samedi dans le village peul d'Ogossagou, dans le centre du pays, a fait, selon un nouveau bilan, au moins 153 morts et 73 blessés. Cette attaque est la dernière d'une série d'agressions intercommunautaires qui ont causé, depuis mars 2018, la mort de quelque 600 personnes et le déplacement de milliers de personnes dans la région de Mopti.

« Si certains des différends sont liés à l'accès à la terre et à l'eau, les attaques seraient souvent motivées par le désir d'éliminer des individus liés à des groupes extrémistes violents, notamment la Jama'at nusrat al-Islam Wal Muslimeen (JNIM). De fait, les membres de la communauté peule sont de plus en plus ciblés », a déclaré une porte-parole du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH), Ravina Shamdasani, lors d'un point de presse à Genève.

« Les survivants de l'attaque samedi à Ogossagou, principalement des membres de l'ethnie Fulani, ont déclaré que des chasseurs traditionnels avaient mené le raid meurtrier dans le village, utilisant apparemment des armes automatiques, des fusils de chasse et d'autres armes », a-t-elle ajouté.

Une autre attaque, signalée dans le village de Welingara, à 3 kilomètres à l'ouest d'Ogossagou, a entraîné la mort d'une personne, a souligné la porte-parole.

D’après le HCDH, 219 personnes ont perdu la vie depuis le début de l’année, à la suite des exactions commises « par de soi-disant groupes d'autodéfense cherchant à déraciner des groupes extrémistes violents ».

Le HCDH regrette que ces crimes soient restés impunis. Certaines enquêtes ont été ouvertes par les autorités mais elles ne donnent généralement pas lieu à des procès. Le Haut-Commissariat note que le gouvernement a dissous la milice Dan Nan Ambassagou, composée de chasseurs traditionnels dogons et accusée d’avoir commis certaines de ces atrocités. Il demande des enquêtes rapides sur les crimes présumés commis par tous les groupes.

Une équipe de 10 spécialistes des droits de l'homme, d'un agent de protection de l'enfance et de deux enquêteurs de la police des Nations Unies (UNPOL) de la Mission des Nations Unies au Mali (MINUSMA) a été déployée dans la région de Mopti pour mener une enquête spéciale sur les terribles événements de samedi attaques.

Les enfants paient le prix le plus élevé

De son côté, le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) a regretté mardi à Genève que les enfants paient le prix le plus élevé du conflit au Mali.

« L'UNICEF est profondément attristé et outré que des enfants soient parmi les victimes. Selon les premiers rapports des services médicaux locaux, un tiers des victimes sont des enfants, et des vérifications supplémentaires sont en cours. 31 enfants sont également blessés », a déclaré le porte-parole du Fonds, Christophe Bouliérac. 

Les blessures subies par les enfants sont principalement des blessures par balle, des brûlures et des fractures - Christophe Boulierac, porte-parole de l'UNICEF

« Les blessures subies par les enfants sont principalement des blessures par balle, des brûlures et des fractures », a-t-il ajouté.

L’agence onusienne précise que de nombreux enfants blessés ont été évacués vers des établissements de santé pour y être soignés. Le Fonds  est sur le terrain à Mopti avec le Ministère de la santé et d’autres partenaires humanitaires pour fournir les premiers secours, des médicaments et d’autres fournitures d’urgence essentielles.

L’UNICEF a déjà envoyé des kits médicaux d’urgence contenant des médicaments et du matériel, y compris des fournitures de premiers secours, pour couvrir les besoins de 10.000 personnes pendant 3 mois.

Deux camions supplémentaires, comprenant des tentes et des systèmes d'approvisionnement en eau, sont actuellement en route vers la région touchée. L’UNICEF fournit également un soutien psychosocial aux enfants non accompagnés.

Détérioration de la situation humanitaire

L’UNICEF rappelle que l’attaque de samedi fait partie d’une tendance dramatique plus large. Depuis le dernier semestre de 2018, une détérioration sans précédent de la situation humanitaire a été observée au centre du Mali.

Dans la région instable de Mopti, la violence intercommunautaire croissante et la présence de groupes armés ont conduit à une crise de protection. Les meurtres et mutilations, les enlèvements, les détentions d'enfants pour des raisons liées à la sécurité, les attaques et les menaces contre les écoles et les enseignants, ainsi que les violences sexuelles et sexistes sont des préoccupations croissantes à Mopti.

L'insécurité a également provoqué d'importants déplacements de population.

Selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA), à la fin de 2018, il y avait 56.400 personnes déplacées à l'intérieur de la région de Mopti contre seulement 2.000 personnes l'année précédente. Depuis samedi, plus de 2.000 personnes ont été déplacées en raison de la violence, dont une grande partie sont des enfants.

À travers le Mali, plus de 1,6 million d'enfants ont besoin d'une aide humanitaire. Sans plus de soutien et de financement, l'UNICEF et les autres agences des Nations Unies et ONG ne seront pas en mesure d'apporter l'assistance requise.