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Conseil des droits de l’homme : le chef de l’ONU préoccupé par l’augmentation des discours de haine

Le Secrétaire général de l'ONU, António Guterres, lors de l'ouverture de la 40e session du Conseil des droits de l'homme, Palais des Nations. 25 février 2019
Photo : ONU/Violaine Martin
Le Secrétaire général de l'ONU, António Guterres, lors de l'ouverture de la 40e session du Conseil des droits de l'homme, Palais des Nations. 25 février 2019

Conseil des droits de l’homme : le chef de l’ONU préoccupé par l’augmentation des discours de haine

Droits de l'homme

Devant le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, le chef de l’ONU a insisté sur le fait que les droits de l’homme sont « l’épicentre » pour le dialogue et la coopération internationale en matière de protection de tous les droits humains.

« Chaque porte que vous ouvrez ouvre une nouvelle possibilité. Chaque droit que vous sécurisez est une autre pierre à l’édification d’un monde meilleur », a déclaré António Guterres.

Toutes les mesures de respect des droits de l’homme aident à atténuer les tensions, à assurer le développement durable et maintenir la paix

Selon le chef de l'ONU, les droits humains sont essentiels pour « faire progresser la paix et la dignité humaine, autonomiser les femmes et les filles, approfondir le développement et suscité l’espoir».

Le Secrétaire général des Nations Unies a ensuite rappelé que dans son discours inaugural en tant que Secrétaire général, il avait élevé la prévention en priorité, soulignant que, de son point de vue, les droits de l’homme sont un modèle, notamment pour renforcer la résilience et prévenir les crises.

Toutes les mesures de respect des droits de l’homme aident à atténuer les tensions, à assurer le développement durable et maintenir la paix.

« Si le cessez-le-feu tient à Hodeïda, si le récent accord de paix prend racine en République centrafricaine, si le conflit se termine au Soudan du Sud, nous réduirons la souffrance et ouvrirons la voie à une justice bien nécessaire pour les victimes », a-t-il affirmé, disant parler sur la base de son expérience.

A cet égard, il a expliqué avoir « vécu sous la dictature de Salazar au Portugal qui opprimait non seulement ses propres citoyens, mais aussi les peuples des colonies africaines ». « Ce sont les luttes des droits de l’homme et les succès des autres dans le monde qui nous ont fait croire au changement et fait en sorte ce changement se produise », a-t-il fait valoir, tout en rappelant que les droits humains inspirent et stimulent le progrès. « C’est l’ADN de la Charte fondatrice de notre organisation », a encore ajouté le Secrétaire général.

Pourtant, a-t-il déploré, les droits de l’homme perdent du terrain dans de nombreuses régions du globe, avec des tendances troublantes. « L’augmentation brutale des inégalités non seulement limite la croissance économique, mais elle est aussi source d’instabilité, de mécontentement et de revendications », a dit le M. Guterres, appelant  les dirigeants à honorer leurs engagements pour les droits économiques et sociaux.

Le chef de l’ONU prépare un plan global contre les discours de haine

M. Guterres s’est également alarmé par le rétrécissement de l’espace civique dans toutes les régions du globe, et chaque coin de l’Internet.

Les metadonnées et la technologie de reconnaissance faciale sont mal utilisées pour la surveillance excessive et l’interférence avec la liberté d’expression

Les militants et les journalistes sont ciblés par la surveillance, les campagnes de désinformation, les menaces.

Les metadonnées et la technologie de reconnaissance faciale sont mal utilisées pour la surveillance excessive et l’interférence avec la liberté d’expression.

Pendant ce temps, le harcèlement et les attaques sont en hausse.

Plus d’un millier de défenseurs des droits humains et de journalistes ont été tués au cours des trois dernières années

Autre inquiétude, M. Guterres a dénoncé l’augmentation des discours de haine, notamment la vague de xénophobie, de racisme et d’intolérance, l’antisémitisme et l’islamophobie.

« La haine est devenue ordinaire, dans les démocraties libérales comme dans les systèmes autoritaires », a-t-il dit dans son discours. « Certains partis et leaders politiques collent des idées venues des extrêmes dans leur propre propagande et leurs campagnes électorales », a-t-il ajouté

Pour répondre à ces discours de haine, M. Guterres a chargé son Conseiller spécial pour la prévention des génocides, le Sénégalais Adama Dieng, de « définir une stratégie à travers le système (des Nations unies) et de présenter un plan global d’action ». Car selon le chef de l’ONU, « le discours de haine est une menace pour les valeurs démocratiques, la stabilité sociale et la paix ».

M. Guterres a critiqué par ailleurs la campagne massive organisée contre le Pacte mondial sur les migrations de l’ONU, un accord non contraignant visant à mettre en place une meilleure gestion des flux migratoires. « Nous avons vu comment le débat sur la mobilité, par exemple, a été empoisonnée par des histoires fausses liant réfugiés et migrants au terrorisme et faisant d’eux des boucs émissaires pour tous les maux de la société », a-t-il regretté.

Il a condamné « une campagne » qui vise à noyer le Pacte mondial sur les migrations « sous un flot de mensonges sur la nature et l’étendue de l’accord ».

Concluant son intervention, il a remercié le Conseil pour son rôle dans la lutte contre l’extrême pauvreté et la promotion du droit au développement. « Mais aujourd’hui, les bénéfices de la croissance économique sont inégalement répartis et les inégalités se creusent dans les pays et entre les pays. Une poignée de personnes détient autant de richesse que la moitié de l’humanité », a-t-il dit.

L’inégalité reste l’un des plus grands défis à relever, selon la Présidente de l’Assemblée générale de l’ONU

L’augmentation brutale des inégalités non seulement limite la croissance économique, mais elle est aussi source d’instabilité, de mécontentement et de revendications », a prévenu M. Guterres, se félicitant toutefois que les dirigeants mondiaux aient promis de ne laisser personne de côté.

« Le Programme 2030 et les objectifs du développement durable sont notre contribution à une mondialisation équitable et le plan le plus clair dont nous disposons pour réaliser les droits de tous », a-t-il dit.

De son côté, la Présidente de l’Assemblée générale des Nations Unies a rappelé que l’un des plus grands défis à relever en matière de droits de l’homme demeure l’inégalité. Maria Fernanda Espinosa a insisté sur l’importance de créer des instruments adéquats pour atteindre les Objectifs du Programme de développement durable à l’horizon 2030.

Il faut redonner la dignité aux êtres humains aux quatre coins de la planète, a-t-elle souligné.

Par ailleurs, elle a rappelé la place de Genève, « symbole de paix et la capitale du multilatéralisme ».

Aujourd’hui, a poursuivi Mme Espinosa, les principes fondamentaux du multilatéralisme sont plus menacés que jamais. « Cela pourrait mettre en péril l’architecture internationale des droits de l’homme et le Conseil entame cette nouvelle session dans un monde encore plus complexe qu’il ne l’était il y a un an », a-t-elle conclu.

Comme pour faire écho à cette interpellation de l’ancienne cheffe de la diplomatie équatorienne, la cheffe des droits de l’homme de l’ONU a appelé au dépassement pour ne pas « céder au défaitisme ». « Nous ne pouvons pas regarder passivement les structures qui maintiennent la paix et la sécurité s’effondrer », a averti Michelle Bachelet.

La génération des dirigeants actuels a la capacité d’assurer un meilleur bien-être pour les peuples et les outils existent, a-t-elle déclaré.

Les gouvernements se doivent de protéger les droits du peuple (Michelle Bachelet)

Appelant à faire preuve de courage et de vision, Mme Bachelet a rappelé que les normes des droits de l’homme ont montré leur intérêt pour la sécurité, la résilience, l’équité, la cohésion sociale et la paix.

Aucun pays n’affiche un bilan parfait en matière de droits de l’homme, a-t-elle reconnu ; mais ils reconnaissent tous que leur peuple a des droits et que leur gouvernement se doit de les défendre et de les protéger.

Elle a assuré que le Haut-Commissariat continuera à coopérer avec les États Membres et à les aider à assumer leurs responsabilités.

Devant le Conseil, Mme Bachelet a partagé quelques leçons tirées de son expérience de chef d’Etat.

Si une politique semble à court terme faire avancer un intérêt étroit mais qu’elle nuit au futur de l’humanité, c’est que cette politique est certainement contre-productive

La première, selon elle, est qu’il existait rarement un grand fossé entre l’intérêt de l’humanité et celui de notre propre pays.

« Si une politique semble à court terme faire avancer un intérêt étroit mais qu’elle nuit au futur de l’humanité, c’est que cette politique est certainement contre-productive », a-t-elle expliqué.

Cela est vrai pour le changement climatique : « si vous pensez que les intérêts économiques sont plus importants que l’environnement, essayez de compter votre argent en retenant votre respiration », a-t-elle souligné par reprise d’un dicton.

Cela est vrai pour la guerre ; cela est vrai pour la discrimination ; et cela est vrai pour les inégalités, « qui sont au cœur même de notre lutte pour protéger et promouvoir les droits de l’homme », a-t-elle ajouté.

Ouvrant les travaux de la quarantième session du Conseil des droits de l’homme en tant que Président du Conseil, le Représentant permanent du Sénégal auprès de l’Office des Nations Unies à Genève a mis en garde contre tout acte d’intimidation ou de représailles à l’encontre des personnes ou des groupes qui coopèrent avec les mécanismes de l’ONU dans le domaine des droits de l’homme. Coly Seck a exhorté les Etats à prévenir de tels actes et à assurer la protection voulue à ceux qui risquent d’y être soumis.