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L’Union européenne pourrait bénéficier des tensions commerciales entre les Etats-Unis et la Chine (CNUCED)

Un cargo dans le port de Ningbo, en Chine.
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Un cargo dans le port de Ningbo, en Chine.

L’Union européenne pourrait bénéficier des tensions commerciales entre les Etats-Unis et la Chine (CNUCED)

Développement économique

Dans un contexte de hausse des tarifs douaniers, les flux commerciaux sont détournés et une poignée de pays capteront une partie des exportations des géants du commerce mondial, selon une nouvelle étude de la CNUCED qui examine les répercussions des hausses tarifaires en vigueur aux États-Unis et en Chine.

« En raison de la taille de leurs économies, les taxes douanières imposées par les États-Unis et la Chine auront inévitablement des répercussions importantes sur le commerce international », a déclaré Pamela Coke-Hamilton, Directrice de la Division du commerce international de la CNUCED, en présentant le rapport sur les Principales statistiques et tendances en matière de politique commerciale en 2018.

Les analystes de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) estiment que sur les 250 milliards de dollars d’exportations chinoises assujetties aux droits de douane américains, environ 82% seront captés par des entreprises d’autres pays, environ 12% seront conservés par des entreprises chinoises et seulement 6% environ seront captés par des entreprises américaines.

De même, sur les quelque 110 milliards de dollars d’exportations américaines assujetties aux droits de douane de la Chine, environ 85% seront captés par des entreprises d’autres pays, les entreprises américaines en conserveront moins de 10%, tandis que les entreprises chinoises n’en récupèreront qu’environ 5%.

Les pays qui devraient bénéficier le plus des tensions entre les États-Unis et la Chine « sont ceux qui sont les plus compétitifs et qui ont la capacité économique de supplanter les entreprises américaines et chinoises ». A cet égard, l’agence onusienne s’attend à ce que les exportations de l’Union européenne (UE) soient celles qui sont « susceptibles d’augmenter le plus ».

Forte hausse des exportations de soja brésilien vers la Chine

L’UE pourrait ainsi capter environ 70 milliards de dollars d’échanges bilatéraux entre les États-Unis et la Chine (50 milliards de dollars d’exportations chinoises vers les États-Unis et 20 milliards de dollars d’exportations américaines en Chine). Le Japon, le Mexique et le Canada devraient bénéficier de plus de 20 milliards de dollars chacun d’exportations supplémentaires.

Bien que ces chiffres ne représentent pas une part importante du commerce mondial - qui s’élevait à environ 17.000 milliards de dollars en 2017 - pour de nombreux pays, ils représentent une part substantielle de leurs exportations. Par exemple, les quelque 27 milliards de dollars d’échanges commerciaux entre les États-Unis et la Chine qui seraient captés par le Mexique représentent une part non négligeable des exportations totales du Mexique, soit environ 6%.

Des effets substantiels sur le niveau de leurs exportations sont également attendus pour l’Australie, le Brésil, l’Inde, les Philippines, le Pakistan et le Viet Nam, comme indiqué ci-dessous.

Les résultats sont similaires sur les différents secteurs, des machines-outils aux produits du bois, en passant par le secteur de l’ameublement, le matériel de communication, les produits chimiques et les instruments de précision.

Mais le marché du soja en est un parfait exemple sur cette guerre tarifaire. En effet, les droits de douane chinois sur le soja américain ont eu des effets de distorsion des échanges commerciaux à l’avantage de plusieurs pays exportateurs, en particulier le Brésil, qui est soudain devenu le principal fournisseur en soja de la Chine.

Mais comme le niveau et la durée d’application des droits de douane ne sont pas clairs, les producteurs brésiliens hésitent à prendre des décisions d’investissement qui pourraient s’avérer non rentables si les droits de douane étaient suspendus. En outre, dans les secteurs où le soja est un intrant - comme dans la production d’aliments pour le bétail - les entreprises brésiliennes sont vouées à perdre de leur compétitivité en raison des hausses de prix nourries par la demande chinoise en soja brésilien.

L’effet domino et la menace protectionniste

Les tensions commerciales actuelles ont atteint leur paroxysme au début de 2018 lorsque la Chine et les États-Unis se sont imposés des droits de douane sur environ 50 milliards de dollars de leurs marchandises respectives. La confrontation s’est rapidement intensifiée : en septembre 2018, les États-Unis ont imposé des droits de douane de 10% sur environ 200 milliards de dollars d’importations chinoises.

La Chine a ensuite riposté en imposant des droits de douane supplémentaires sur des importations en provenance des États-Unis d’une valeur de 60 milliards de dollars. Les droits de 10% devaient initialement passer à 25% en janvier 2019. Début décembre 2018, les parties ont toutefois convenu de geler l’augmentation de leurs tarifs douaniers jusqu’au 1er mars 2019.

Dans tous les cas, la CNUCED redoute le fait que davantage de pays puissent se joindre à la mêlée multipliant les politiques protectionnistes à l’échelle mondiale. Dans une économie mondiale interconnectée, l’effet domino créé par les géants du commerce est susceptible d’aller au-delà des pays et des secteurs ciblés.

Les hausses tarifaires pénalisent non seulement l’assembleur d’un produit, mais aussi les fournisseurs tout au long de la chaîne de production. Par exemple, le volume élevé des exportations chinoises frappées par les droits de douane américains est susceptible de toucher le plus durement les chaînes de valeur de l’Asie de l’Est, la CNUCED estimant qu’elles pourraient ainsi chuter d’environ 160 milliards de dollars.

L’autre inquiétude, c’est de voir ces tensions commerciales se transformer en guerres sur le marché des devises, rendant plus difficile le service de la dette libellée en dollars.

Enfin, l’agence onusienne craint aussi qu’un ralentissement économique puisse conduire à « des perturbations des prix sur les marchés des produits de base, sur les marchés financiers et monétaires ». « Elles auront toutes d’importantes répercussions sur les pays en développement », met en garde la CNUCED.