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Conférence de Marrakech : pour des migrations plus sûres et plus dignes

Des migrants regardent la mer sur l'île de Lesbos, en Grèce.
Photo OIM/Amanda Nero
Des migrants regardent la mer sur l'île de Lesbos, en Grèce.

Conférence de Marrakech : pour des migrations plus sûres et plus dignes

Migrants et réfugiés

Des responsables politiques du monde entier se réuniront à Marrakech, au Maroc, à partir de ce week-end, pour une conférence  convoquée par l'ONU avec pour objectif d'adopter officiellement un pacte global visant à rendre les migrations plus sûres et plus dignes pour tous.

Le texte de l'accord, appelé Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières, a été approuvé par les États membres sous l'égide de l'Assemblée générale des Nations unies en juillet dernier et a été salué par le Secrétaire général, António Guterres, comme « une réalisation importante ».

Ce Pacte mondial non contraignant repose sur des valeurs telles que la souveraineté des États, le partage des responsabilités, la non-discrimination et les droits de l'homme. Il reconnaît qu'une approche coopérative est nécessaire pour optimiser les avantages globaux de la migration, tout en atténuant ses risques et ses défis pour les individus et les communautés des pays d'origine, de transit et de destination.

Le chef de l'ONU a déclaré dans un communiqué que le Pacte mondial « reconnaît également que tout individu a droit à la sécurité, à la dignité et à la protection ».

Alors qu'il y a plus de 68 millions de personnes en déplacement forcé aujourd'hui à travers le monde, les migrants et les réfugiés ont fait la Une des médias ces dernières années, qu'il s'agisse de la crise des réfugiés en Europe ou des caravanes de migrants d’Amérique centrale qui se dirigent vers la frontière des États-Unis.

Une caravane de migrants centraméricains dans la ville de Matías Romero, dans l'État d'Oaxaca, au Mexique, le 1er novembre 2018.
OIM / Rafael Rodríguez
Une caravane de migrants centraméricains dans la ville de Matías Romero, dans l'État d'Oaxaca, au Mexique, le 1er novembre 2018.

 

Voici ce que vous devez savoir avant la Conférence intergouvernementale de Marrakech qui se tiendra sur deux jours et qui débutera lundi 10 décembre :

Migrants réguliers, migrants irréguliers et réfugiés ... Quelle est la différence ?

La conférence de Marrakech sera axée sur la migration.

Les migrants réguliers représentent « l'écrasante majorité des personnes qui traversent les frontières », a rappelé la Représentante spéciale pour les migrations internationales de l’ONU, Louise Arbour, lors d'un récent entretien avec ONU Info.

Selon elle, la migration régulière « désigne les personnes qui entrent ou séjournent dans un pays où elles n'ont pas acquis la nationalité par voie légale et dont la situation dans ce pays est manifestement connue par le gouvernement, en conformité avec toutes les lois et réglementations ».

Des travailleurs migrants en Jordanie. Les migrants sont un remarquable moteur de croissance, rappelle l'ONU.
Photo OIT/Sami Haven
Des travailleurs migrants en Jordanie. Les migrants sont un remarquable moteur de croissance, rappelle l'ONU.

 

La migration irrégulière « est la situation des personnes qui se trouvent dans un pays et dont le statut n'est pas conforme aux exigences nationales ». La grande majorité de ces migrants irréguliers, explique la haut responsable des Nations unies, est effectivement entrée dans le pays légalement, avec peut-être un visa de touriste ou d’étudiant, puis ils ont prolongé leur séjour. « Ils peuvent être régularisés, sinon ils doivent être renvoyés dans leur pays d’origine », a-t-elle déclaré.

Selon l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), un réfugié est une personne qui a été forcée de fuir son pays à cause de la persécution, de la guerre ou de la violence. Les réfugiés craignent, avec raison, d'être persécutés pour des raisons de race, de religion, de nationalité, d'opinion politique ou d'appartenance à un groupe social déterminé.

Quels sont les enjeux pour les personnes en mouvement et leurs communautés ?

Les dernières données de l'Agence des Nations Unies pour les migrations (OIM) montrent que, dans le courant de cette année, plus de 3.300 personnes sont mortes ou ont disparu sur les routes migratoires à travers la planète, dans le courant de l’année. La plupart sont mortes en Méditerranée, alors que des milliers de personnes tentent de se rendre en Europe continentale, en provenance notamment d'Afrique et d’Asie.

Des demandeurs d'asile et des migrants à bord d'un canot dans les eaux internationales au large des côtes libyennes en novembre 2016.
HCR/Giuseppe Carotenuto
Des demandeurs d'asile et des migrants à bord d'un canot dans les eaux internationales au large des côtes libyennes en novembre 2016.

 

La migration devient de plus en plus difficile, surtout en ce qui concerne l'Europe, comme l’illustre l’incident avec le Nuestra Madre Loreto.  Ce bateau de pêche espagnol a été bloqué en mer pendant plus d'une semaine, après avoir sauvé 12 migrants qui avaient quitté la Libye début novembre en zodiac. D’après les médias espagnols, aucun pays de l'Union européenne n'a accepté d'accorder à ces migrants l'autorisation d'accoster.

De nombreux pays du monde ont besoin de travailleurs venant de l’extérieur, a souligné la Représentante spéciale, Louise Arbour. « Les données démographiques laissent penser que s'ils veulent maintenir leurs niveaux économiques actuels ou même développer leur économie, [ces pays] vont devoir recevoir des travailleurs étrangers bien formés pour répondre aux demandes du marché du travail », a-t-elle dit.

Alors, comment peut-on réguler les migrations de manière qu'elles fonctionnent pour tout le monde, les personnes et les pays ?

Le Pacte mondial est conçu pour résoudre ce problème en travaillant sur les plans national, régional et mondial, a expliqué Mme Arbour.

La Représentante spéciale, qui présidera la Conférence de Marrakech, a déclaré que si le pacte est formellement adopté, on verra « une nette amélioration des aspects développement, de l'aspect humanitaire et de tous les avantages économiques que la migration peut produire, si elle est bien gérée de manière coopérative ». « Il ne fait aucun doute que nous verrons une augmentation des bénéfices tirés de la migration et, ce qui est très important, en réduisant certains aspects négatifs », a-t-elle estimé.

C’est quoi le pacte mondial ?

Le Pacte mondial, qui a été approuvé par les États membres des Nations Unies le 13 juillet, est un document complet visant à mieux gérer les migrations internationales, à relever leurs défis et à renforcer les droits des migrants tout en contribuant au développement durable.

Le texte du Pacte mondial est profondément ancré dans la Charte des Nations Unies et la Déclaration universelle des droits de l'homme.

Mme Arbour, qui a elle-même exercé les fonctions de Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, a qualifié ce projet de « grand projet de coopération internationale pour l'avenir ».

Notant que « la migration a toujours fait partie de l'expérience humaine » et reconnaissant qu'elle est une source de prospérité, d'innovation et de développement durable dans un monde globalisé moderne, le Pacte exprime l'engagement collectif des États membres à améliorer la coopération en matière de migration internationale.

En Allemagne un programme de réinstallation de l'ONU donne de l'espoir aux familles. Sur la photo, un agent d'immigration tamponne les passeports d'une famille syrienne arrivée à l'aéroport de Hanovre.
Photo HCR/Gordon Welters
En Allemagne un programme de réinstallation de l'ONU donne de l'espoir aux familles. Sur la photo, un agent d'immigration tamponne les passeports d'une famille syrienne arrivée à l'aéroport de Hanovre.

 

Le Pacte « reconnaît clairement qu'aucun État ne peut traiter seul les migrations ». Il présente ainsi un cadre de coopération à caractère juridique non contraignant qui repose sur les engagements souscrits par les États eux-mêmes deux ans auparavant dans la Déclaration de New York pour les réfugiés et les migrants.

L’ancien Président de l'Assemblée générale, Miroslav Lajčák, qui a fait de la migration une pierre angulaire de son mandat, a souligné en juillet que le Pacte « n'encourage pas la migration et ne cherche pas à l'arrêter ». Selon lui, le Pacte « ne dicte pas. N'impose pas. Et respecte pleinement la souveraineté des États ».

M. Lajčák a expliqué que la mise en œuvre du Pacte permettrait de passer à la vitesse supérieure, « d'un mode réactif à un mode proactif », fournissant une « nouvelle plate-forme de coopération » qui faciliterait « le juste équilibre entre les droits des peuples et la souveraineté des États ».

Face à l'absence récemment déclarée d'une poignée d'États, qui ont indiqué qu'ils ne feraient pas partie du Pacte, Mme Arbour a déclaré que « l'écrasante majorité des États membres de l'ONU soutiennent ce projet de coopération ». « Je pense que leur politique étrangère et l'esprit du multilatéralisme sont assez sérieusement affectés si quelque part ils se désengagent d'un document sur lequel ils se sont mis d'accord il y a quelques mois. Donc, je pense que cela donne une très mauvaise image de ceux qui ont participé à de véritables négociations », a déclaré Mme Arbour à ONU Info.

La migration n’est pas un phénomène nouveau. Pourquoi s’y attaquer maintenant ?

La migration humaine n'est pas un phénomène nouveau, signale Louise Arbour. En fait, les humains ont toujours été déplacés d'un lieu à un autre au cours de l'histoire. Cependant le monde a récemment connu une augmentation importante du nombre de migrants, qui risque d’augmenter à nouveau en raison du changement climatique.

« Aujourd’hui, 3,4% de la population mondiale sont des migrants. En 2000, il était de 2,7% », a précisé la Représentante spéciale. « C’est un phénomène. Il a été jusqu'à présent en augmentation. Va-t-il continuer à augmenter ? Vous savez, lorsque nous examinons la démographie et de nombreux facteurs, le changement climatique, nous pensons effectivement que nous verrons encore plus de personnes bouger ».

La FAO fournit une assistance à des familles au Niger afin d’atténuer l'impact des périodes de sécheresse.
© FAO / Giulio Napolitano
La FAO fournit une assistance à des familles au Niger afin d’atténuer l'impact des périodes de sécheresse.

A surveiller pendant la conférence

Le 10 décembre, la Déclaration universelle des droits de l'homme (DUDH) fêtera ses 70 ans et le Haut-Commissariat aux droits de l'homme (HCDH) marquera l’occasion en organisant un événement parallèle pour renforcer les capacités et intensifier les efforts des entreprises de toutes tailles et de tous secteurs dans le domaine des droits de l'homme.

Le Réseau de la migration sera également lancé lors de la Conférence de Marrakech, par le Secrétaire général des Nations Unies, António Guterres.

Ce réseau doit apporter un soutien efficace et cohérent à la mise en œuvre du Pacte mondial et l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) jouera un rôle de leader.

D'autres agences des Nations Unies, ayant un mandat ou qui s'intéresse à la question de la migration, feront partie du réseau, y compris l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés (HCR).

« Il y a souvent des chevauchements entre réfugiés et migrants et des flux de population mixtes », a souligné Mme Arbour, affirmant que « toutes ces agences des Nations Unies qui s'intéressent à la question se réuniront pour tenter de maximiser une approche collaborative ».