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Affaire Jamal Khashoggi : des experts des droits de l'homme font entendre leurs voix

De gauche à droite : les experts Bernard Duhaime (disparitions forcées ou involontaires), David Kaye (liberté d’opinion et d’expression), Agnès Callamard (exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires) et Michel Forst (situation des défenseurs des
Photo : ONU
De gauche à droite : les experts Bernard Duhaime (disparitions forcées ou involontaires), David Kaye (liberté d’opinion et d’expression), Agnès Callamard (exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires) et Michel Forst (situation des défenseurs des droits de l'homme)

Affaire Jamal Khashoggi : des experts des droits de l'homme font entendre leurs voix

Droits de l'homme

Après la disparition et la confirmation de la mort de Jamal Khashoggi, plusieurs experts des droits de l’homme des Nations Unies ont appelé à diligenter une enquête internationale afin de faire toute la lumière sur les circonstances du décès du journaliste saoudien.

Mardi 2 octobre 2018. Jamal Khashoggi est à Istanbul, en Turquie. L’année précédente, le journaliste saoudien, âgé de 59 ans, s’était installé aux Etats-Unis où il avait commencé à contribuer au journal Washington Post en qualité d’éditorialiste.

Ce jour-là, Jamal Khashoggi se rend au consulat d’Arabie saoudite à Istanbul pour y effectuer des démarches administratives. Sa fiancée turque qui l’attendait à l’extérieur du consulat ne l’a pas vu ressortir.

Au lendemain de sa disparition, le porte-parole adjoint du Secrétaire général des Nations Unies, Fahran Haq, est interrogé par un journaliste sur la disparition de Jamal Khashoggi.

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Mardi 9 octobre 2018. Une semaine s’est écoulée depuis la disparition de Jamal Khashoggi. Dans les médias, les informations sur sa disparition font place à celles de sa possible mort. Mais aucune confirmation sur le sort de Jamal Khashoggi n’émerge de la part des autorités saoudiennes qui ont indiqué que le journaliste avait quitté leur consulat à Istanbul.

Interrogée par un journaliste lors d'un point de presse à Genève, Ravina Shamdasani, porte-parole du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH), réagit.

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Le même jour, trois experts des droits de l'homme des Nations Unies font également part de leurs profondes préoccupations sur la disparition de Jamal Khashoggi et sur les allégations de meurtre commis par un État.

Bernard Duhaime, Président/Rapporteur du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires ; David Kaye, Rapporteur spécial sur la promotion de la liberté d’expression et d’opinion, et Agnès Callamard, Rapporteure spéciale sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, craignent que la disparition du journaliste soit directement liée à ses critiques de la politique saoudienne au cours des dernières années.

La disparition de Jamal Khashoggi a soulevé des questions délicates sur le plan diplomatique. Sa disparition a été constatée après son entrée au consulat d’Arabie saoudite à Istanbul, une enceinte protégée par la Convention de Vienne de 1963 sur les relations consulaires.

Mardi 16 octobre 2018. La Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Michelle Bachelet déclare que l’inviolabilité ou l’immunité diplomatique des locaux et des fonctionnaires du consulat saoudien devrait être levée immédiatement, compte tenu de la gravité de la situation entourant la disparition du journaliste.

Deux semaines se sont écoulées depuis la disparition de Jamal Khashoggi, et Mme Bachelet estime que cette période est très longue pour que la scène probable d’un crime n’ait pas fait l’objet d’une enquête médico-légale complète.

Le Président/Rapporteur du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires, Bernard Duhaime, revient sur la dimension extraterritoriale de cette disparition.

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Vendredi 19 octobre 2018. 17 jours après la disparition de Jamal Khashoggi, l’Arabie saoudite confirme son décès. Les autorités saoudiennes évoquent une altercation dans le consulat qui a dégénéré et s’est conclue par la mort du journaliste.

Le Secrétaire général des Nations Unies, António Guterres, s’est déclaré « profondément préoccupé » par le décès de Jamal Khashoggi. La Directrice générale de l’Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO), Audrey Azoulay, a fermement condamné l’assassinat brutal du journaliste.

Les chefs de l’ONU et de l’UNESCO ont tous les deux appelé à ce qu’une enquête approfondie soit diligentée et à traduire les auteurs du meurtre en justice. Un appel peu repris par les Etats membres de l’ONU et qu’a déploré David Kaye, le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la liberté d’expression et d’opinion. Pour David Kaye l’enquête sur « l’assassinat manifeste » de Jamal Khashoggi doit être internationale et indépendante.

David A Kaye
Mort de Jamal Khashoggi : un expert de l’ONU appelle à une enquête internationale

 

25 octobre 2018. Le Procureur général d’Arabie saoudite évoque pour la première fois un acte prémédité dans la mort de Jamal Khashoggi.

Trois jours après son collègue David Kaye, Agnès Callamard, la Rapporteure spéciale des Nations Unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires appelle de nouveau à dilligenter une enquête internationale et pas uniquement limitée aux enquêtes que mènent chacune de leurs côtés, l’Arabie saoudite et la Turquie.

Pour Agnès Callamard, au regard du droit international et jusqu’à ce qu’une enquête légitime prouve le contraire, le meurtre de Jamal Khashoggi porte toutes les marques d’une exécution extrajudiciaire.

 

La médiatisation internationale de la disparition de Jamal Khashoggi a mis un coup de projecteur sur les milliers de cas de disparitions forcées dans le monde. Des disparitions qui ont pris de l’ampleur, mais qui sont difficiles à quantifier, comme l’explique Bernard Duhaime, Président/Rapporteur du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires.

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Journaliste dans son pays, l’Arabie saoudite, puis aux Etats-Unis, Jamal Khashoggi était une voix critique du régime saoudien. Il s’était exprimé à plusieurs reprises sur la situation des droits de l’homme en Arabie saoudite et dans le monde arabe.

En 1998, les Etats membres de l’ONU, réunis en Assemblée générale, avaient adopté une Déclaration appelant à appuyer et à protéger les défenseurs des droits de l’homme. 20 ans plus tard, le meurtre de Jamal Khashoggi intervient dans un contexte de dégradation croissante de la sécurité des défenseurs des droits de l’homme, comme l’explique Michel Forst, le Rapporteur spécial sur la situation des défenseurs des droits de l’homme.

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Avant sa mort, Jamal Khashoggi avait écrit une dernière tribune pour le Washington Post. Une tribune qu’il n’a pas pu publier de son vivant, mais que le journal américain a rendu publique une fois son meurtre confirmé.

Dans cette tribune relayée l’UNESCO lors de la Journée internationale de la fin de l’impunité pour les crimes commis contre des journalistes (2 novembre), Jamal Khashoggi avait réaffirmé son engagement pour la liberté d’expression dans le monde arabe. Une liberté pour laquelle il a perdu la vie.

Depuis 2006, l’UNESCO a recensé plus de 1.000 meurtres de journalistes.

 

A ECOUTER - Affaire Jamal Khashoggi : la parole est aux experts

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NOTE :

Les rapporteurs spéciaux font partie de ce que l'on appelle les Procédures spéciales du Conseil des droits de l'homme. Les Procédures spéciales - qui rassemblent le plus grand groupe d’experts indépendants du système des droits de l’homme de l’ONU - est l’appellation générale donnée aux mécanismes indépendants d’établissement des faits et de surveillance du Conseil, qui traitent soit de la situation particulière de pays, soit de questions thématiques dans le monde entier. Les experts des procédures spéciales travaillent sur une base volontaire. Ils ne font pas partie du personnel des Nations Unies et ne reçoivent pas de salaire pour leur travail. Ils sont indépendants de tout gouvernement ou organisation et siègent à titre individuel.