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Espagne : des experts de l’ONU saluent la création d’une ‘commission vérité’ sur le passé franquiste

Fabián Salvioli, Rapporteur spécial sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non-récurrence
Photo : ONU/Rick Bajornas
Fabián Salvioli, Rapporteur spécial sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non-récurrence

Espagne : des experts de l’ONU saluent la création d’une ‘commission vérité’ sur le passé franquiste

Droits de l'homme

Un groupe d'experts des droits de l'homme des Nations Unies a salué la proposition du gouvernement espagnol de créer une ‘commission vérité’ portant sur la période de la guerre civile (1936-1939) et de la dictature de Francisco Franco (1939-1975) en Espagne.

« Nous saluons l'initiative du gouvernement et célébrons l'ouverture du dialogue sur ce qui s'est passé pendant les décennies de guerre civile et de dictature militaire en Espagne », ont déclaré Bernard Duhaime, Président-Rapporteur du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires; Fabián Salvioli, Rapporteur spécial sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non-récurrence; Agnès Callamard, Rapporteure spéciale sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires et Karima Bennoune, Rapporteure spéciale dans le domaine des droits culturels.

Pour ces experts, « cette décision représente un pas fondamental vers la réalisation du droit à la vérité pour toutes les victimes de violations graves des droits de l'homme ».

Cette décision représente un pas fondamental vers la réalisation du droit à la vérité pour toutes les victimes de violations graves des droits de l'homme

Le 10 juillet, la Ministre espagnole de la justice, Dolores Delgado García, a annoncé au Congrès des députés (la chambre basse du parlement espagnol) une série d'initiatives visant à réviser la loi sur la mémoire historique. Une telle révision permettrait de créer une Commission pour la vérité pour enquêter sur les violations survenues pendant la guerre civile et le régime de Franco.

Le droit à la vérité placé en tête de l'agenda politique

Ce n’est pas la première fois que des experts de l’ONU se sont exprimés sur la question de la mémoire historique et du passé franquiste en Espagne.

Dans son rapport sur sa visite en Espagne effectuée en 2014, le prédécesseur de Fabián Salvioli, Pablo de Greiff, avait appelé les autorités espagnoles à répondre d'urgence aux exigences des victimes et d’établir un mécanisme formel à cette fin.

« Nous sommes heureux de voir que les autorités espagnoles ont décidé de diriger leurs efforts vers la réalisation de cet objectif important, en plaçant le droit à la vérité en tête de l'agenda politique », ont déclaré les experts mandatés par le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies.

La révision législative prévue en Espagne comprendra également une proposition visant à supprimer les symboles exaltant la dictature et la redéfinition du site El Valle de los Caídos. Située à environ 50 kilomètres au nord-ouest de Madrid, cette basilique fut érigée après la guerre civile sous Franco et sa sépulture y est enterrée.

Les experts ont souligné l'importance des processus de construction et de signification de la mémoire historique des violations passées en Espagne. Ils ont également souligné que « de tels processus doivent se dérouler dans un cadre de transparence et de participation de la société civile, d’accent mis sur les victimes, de fournir l’espace nécessaire pour présenter leurs différentes histoires, et de promouvoir la pensée critique sur les événements passés ».

Recherche des personnes disparues

Parallèlement à la mise en place de cette ‘commission vérité’, le gouvernement espagnol s’est également engagé à établir des plans de recherche des personnes disparues durant la guerre civile et la dictature franquiste.

Les experts ont salué la création en Espagne d'une Direction générale de la mémoire historique, chargée notamment de préparer la recherche des personnes disparues, de publier les détails des exhumations, ainsi que de dresser et tenir à jour une liste officielle des victimes.

Dans son rapport sur sa visite en Espagne en 2013, le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires avait critiqué l'absence d'un plan national de recherche des personnes disparues, le manque de coordination des efforts d'exhumation et d'identification ainsi que la cartographie périmée des tombes.

« Nous nous félicitons de l'intention du gouvernement d'assumer la responsabilité de rechercher activement les victimes disparues et nous l'exhortons à adopter immédiatement les mesures législatives, administratives et financières nécessaires pour exercer efficacement ce rôle », ont souligné les experts.

Dans son rapport de suivi de la visite publié en 2017, le Groupe de travail s'était déclaré préoccupé par l'inaction des tribunaux espagnols dans la poursuite des cas de disparition forcée survenus pendant la guerre civile et la dictature. « Nous espérons que les initiatives annoncées récemment seront accompagnées de progrès dans le domaine judiciaire, y compris en ce qui concerne toute procédure pénale menée dans n'importe quel pays pour les disparitions forcées commises en Espagne », ont ajouté les experts.

Les experts indépendants ont encouragé le gouvernement espagnol à associer les familles des victimes et les associations qui les représentent à la mise en œuvre des propositions.

Ils ont également souligné leur volonté de soutenir le gouvernement dans la mise en œuvre des initiatives et insisté que les efforts visant à promouvoir la vérité, la mémoire et les garanties de non-répétition sont essentiels pour la réalisation effective des droits humains des victimes, et pour renforcer la confiance des citoyens entre eux et dans leurs institutions.