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Conseil des droits de l’homme : Zeid Ra’ad Al Hussein met en garde contre le retour du nationalisme

Le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, Zeid Ra'ad Zeid Al Hussein.
Photo : ONU/Jean-Marc Ferré
Le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, Zeid Ra'ad Zeid Al Hussein.

Conseil des droits de l’homme : Zeid Ra’ad Al Hussein met en garde contre le retour du nationalisme

Droits de l'homme

A deux mois et demi de la fin de son mandat de Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme à la fin du mois d’août prochain, Zeid Ra’ad Al Hussein s’est exprimé pour la dernière fois au début d’une session du Conseil des droits de l’homme de l’ONU. Pour cette dernière, il a mis en garde contre le retour du nationalisme.

Se référant à un responsable onusien qui prétendait que les droits de l’homme ne sont pas universels et qu’ils ne sont que l’expression de « l’imagination occidentale », il a réfuté avec véhémence cette thèse, rappelant que les Nations unies elles-mêmes étaient l’expression de cet universalisme. La question se pose donc de savoir, a dit le Haut-Commissaire, « pourquoi la Déclaration universelle, de même que le corpus complet du droit des droits de l’homme adopté après elle, sont victimes de telles attaques de nos jours – non seulement de la part d’extrémistes, comme les takfiris, mais aussi de dirigeants autoritaires, de populistes, de démagogues, de relativistes culturels, de certains universitaires occidentaux – et même de fonctionnaires des Nations Unies ? »

A cet égard, M. Zeid a rappelé que les Nations Unies étaient symptomatiques de la situation internationale et d’un phénomène plus large. « J’ai compris que notre mémoire est faible, que pour certaines personnes l’Histoire n’importe que si elle peut être utilisée à des fins politiques. Ces gens ne la voient pas comme un service rendu à une meilleure compréhension de l’humanité », a-t-il fait remarquer.

Une façon pour lui de mettre en garde contre les démons du passé. « Par exemple, », a souligné M. Zeid, « n’est-il pas vrai que, d’un point de vue historique, la force la plus destructrice pour le monde ait été le nationalisme, porté aux extrêmes par des chefs égoïstes et sans scrupules et amplifié par des idéologies de masse opposées aux libertés ? » Les Nations Unies ont été créées pour éviter le retour de ces idéologies et le nationalisme est « le contraire et l’ennemi des Nations Unies », a-t-il ajouté.

M. Zeid a interpellé les représentants des Etats membres, se demandant pourquoi l’ONU restait aussi « silencieuse » face au retour du nationalisme. « Pourquoi donc rester silencieux face à sa résurgence, pourquoi les Nations Unies ne disent-elles rien ? », s’est interrogé le Haut-Commissaire. Il a rappelé que « la raison d’être des Nations Unies était de protéger la paix, les droits, la justice et le progrès social » et que ses principes de fonctionnement étaient donc clairs : la paix n’est possible qu’en poursuivant le contraire du nationalisme, lorsque les États travaillent ensemble et pour le bien commun, a insisté M. Zeid.

Rohingyas, Cachemire, Yémen et Chine

Devant le Conseil des droits de l’homme, le chef des droits de l’homme de l’ONU a, une nouvelle fois, fait part de sa vive préoccupation sur la situation au Myanmar où il existe des indices clairs que des attaques bien organisées, étendues et systématiques continuent de cibler les Rohingyas vivant dans l’État Rakhine en tant que groupe ethnique. « Et si le Myanmar a déclaré qu’il enquêterait sur ces allégations et punirait les responsables présumés, ses actes à ce jour ne répondent pas aux critères minimaux de crédibilité et d’impartialité », a fait observer M. Zeid.

Il s’est également inquiété du conflit au Yémen. « J’exprime mes vives craintes devant les attaques actuellement menées par la coalition saoudienne et émiratie à Hodeïda et qui pourraient faire d’énormes pertes civiles et avoir un impact désastreux sur l’aide humanitaire acheminée par le port pour soutenir des millions de personnes », a-t-il déclaré.

En outre, M. Zeid a demandé au Conseil d’envisager de créer une commission d’enquête sur la situation des droits de l’homme au Cachemire. Au sujet de la Chine, il a regretté que ses équipes n’aient pas eu « un libre accès au pays, y compris à la Région autonome tibétaine et à la Région autonome du Xinjiang ouigour, où la situation des droits de l’homme se détériorerait rapidement ».

Mohammed Yasin, 8 ans, un enfants réfugié rohingya à Cox's Bazar, au Bangladesh (archives).
Photo UNICEF/UN0119119/Brown
Mohammed Yasin, 8 ans, un enfants réfugié rohingya à Cox's Bazar, au Bangladesh (archives).

Détérioration des droits humains au Burundi et Soudan du Sud

Sur le continent africain, le chef des droits de l’homme de l’ONU a indiqué que la situation des droits de l’homme ne cesse de se détériorer au Burundi. Une aggravation observée sur le terrain dans un contexte où le Gouvernement ne cesse de réduire l’espace dévolu à la société civile.

Au Soudan du Sud, le Haut-Commissaire s’est dit « profondément préoccupé par l’intensification des attaques aveugles contre les civils, en particulier les viols et les meurtres perpétrés par les forces gouvernementales et leurs mandataires dans l’État de l’Unité depuis avril 2018 », notamment le viol de petits enfants et « de nombreux cas de femmes, de personnes âgées et d’autres personnes qui ont été pendues ou brûlées vives dans ce qui semble être une politique délibérée de terre brûlée ».

Au Cameroun, les services du Haut-Commissaire Zeid ont reçu des rapports faisant état de violations des droits de l’homme par toutes les parties : incendies d’écoles et de biens privés ; arrestations massives et détentions arbitraires ; et usage de la torture et d’une force excessive par le personnel de sécurité.

Des femmes attendent avec leurs enfants d'être examinées et de recevoir de la nourriture dans une clinique mobile gérée par l'UNICEF à Rubkuai, dans l'Etat d'Unité, au Soudan du Sud, en février 2017.
Photo UNICEF/Modola
Des femmes attendent avec leurs enfants d'être examinées et de recevoir de la nourriture dans une clinique mobile gérée par l'UNICEF à Rubkuai, dans l'Etat d'Unité, au Soudan du Sud, en février 2017.

Etats-Unis : séparer des enfants de leurs parents est « inadmissible », dit Zeid

Dans les Amériques, M. Zeid s’est dit aussi « profondément préoccupé par les politiques récemment adoptées aux États-Unis qui reviennent à punir les enfants pour les actes de leurs parents ».

Au cours des six dernières semaines, près de deux mille enfants ont ainsi été séparés de force de leurs parents, a relevé M. Zeid. Il a appelé Washington « à mettre fin immédiatement à cette pratique et à ratifier enfin la Convention relative aux droits de l’enfant, afin que les droits fondamentaux de tous les enfants, quel que soit leur statut administratif, soient au centre de toutes les lois et politiques nationales ».

Concernant le Venezuela, vu la gravité des violations des droits de l’homme commises et le refus continu de laisser entrer ses équipes, le Haut-Commissariat est fermement convaincu que le Conseil des droits de l’homme devrait créer une commission d’enquête, a dit M. Zeid. De même, a dit le Haut-Commissaire, la gravité de la situation au Nicaragua – où les manifestations contre le gouvernement ont fait au moins 178 morts et 1.500 blessés depuis deux mois, quasiment tous aux mains des policiers ou de groupes favorables au gouvernement – mérite elle aussi la création d’une commission d’enquête internationale.

De façon générale, M. Zeid a fait observer que « lorsque les dirigeants eux-mêmes sapent les droits de l’homme et le droit relatif aux droits de l’homme, il ne s’agit en aucun cas d’un acte de patriotisme ».

« Le vrai patriotisme », a conclu le Haut-Commissaire, « consiste à considérer chaque État, et l’humanité dans son ensemble, comme une communauté de responsabilité mutuelle, avec des besoins et des objectifs communs. Le vrai patriotisme consiste à créer des communautés tolérantes, qui peuvent vivre en paix », a conclu M. Zeid.