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Violences sexuelles dans les conflits : l’ONU appelle à faire davantage pour lutter contre l’impunité

Des femmes assises à l'extérieur d'un dortoir dans un centre pour victimes de violences sexuelles. Les femmes et filles sont touchées de manière disproportionnée par ces violences, a dénoncé lundi la Vice-Secrétaire générale de l’ONU, Amina J. Mohammed
Photo IRIN/Aubrey Graham
Des femmes assises à l'extérieur d'un dortoir dans un centre pour victimes de violences sexuelles. Les femmes et filles sont touchées de manière disproportionnée par ces violences, a dénoncé lundi la Vice-Secrétaire générale de l’ONU, Amina J. Mohammed

Violences sexuelles dans les conflits : l’ONU appelle à faire davantage pour lutter contre l’impunité

Femmes

Le Conseil de sécurité a tenu lundi un débat ouvert sur les violences sexuelles dans les conflits. Un débat au cours duquel l’ONU a plaidé pour davantage de mesures pour mieux protéger les victimes tandis qu’une avocate rohingya a appelé les membres du Conseil à renvoyer la situation au Myanmar devant la Cour pénale internationale.

« D'où je viens, des femmes et des filles ont été violées, torturées et tuées par l'armée du Myanmar, pour aucune autre raison que le fait d'être Rohingya », a déclaré l'avocate Razia Sultana qui s’exprimait au Conseil de sécurité au nom des organisations non gouvernementales.

Alors que le Conseil de sécurité doit se rendre ce mois-ci dans les camps de réfugiés rohingyas à Cox’s Bazar, an Bangladesh, puis au Myanmar, l’avocate a exhorté les 15 membres de l’organe onusien à rencontrer les femmes et les filles qui ont survécu à leur exode.

Lundi, au Conseil de sécurité, l'avocate et militante des droits de l'homme Razia Sultana prend la parole au nom du Groupe de travail des ONG sur les femmes, la paix et la sécurité
Photo : ONU/Mark Garten
Lundi, au Conseil de sécurité, l'avocate et militante des droits de l'homme Razia Sultana prend la parole au nom du Groupe de travail des ONG sur les femmes, la paix et la sécurité

Depuis août dernier, plus de 670.000 Rohingyas ont fui le Myanmar. « Il s’agit du mouvement de réfugiés le plus rapide depuis le génocide au Rwanda », a déclaré Mme Sultana. « Cependant, la communauté internationale, en particulier le Conseil de sécurité, nous a fait défaut. Cette dernière crise aurait dû être évitée si les signes d'alerte depuis 2012 n'avaient pas été ignorés », a-t-elle ajouté.

Mme Sultana a déclaré que ses propres recherches et entretiens apportaient la preuve que les troupes gouvernementales du Myanmar avaient violé plus de 300 femmes et filles dans 17 villages de l'Etat de Rakhine. Avec plus de 350 villages attaqués et brûlés depuis août 2017, ce nombre ne représente probablement qu'une fraction du total réel.

« Nous devons faire bien plus pour lutter contre l’impunité  »

Devant le Conseil, la Vice-Secrétaire générale de l’ONU, Amina J. Mohammed, a dénoncé la tactique barbare que sont les violences sexuelles en temps de guerre, en demandant une reddition des comptes pour éviter que ces crimes ne se répètent.

Au Myanmar comme dans nombre de conflits, la Vice-Secrétaire générale a rappelé que la violence sexuelle est utilisée pour atteindre des objectifs militaires. Les hommes et les femmes sont touchés, a-t-elle dit, même si ces dernières en sont victimes de manière disproportionnée. Celles qui survivent à la violence sexuelle sont en outre contraintes de vivre dans la marginalité, avec souvent une stigmatisation des grossesses non désirées, a-t-elle poursuivi.

Mme Mohammed a noté les progrès accomplis dans cette direction et salué notamment l’élaboration d’un plan de lutte contre la violence sexuelle par le Gouvernement iraquien en début d’année. Elle a également salué les avancées dans ce domaine au sein des opérations de maintien de la paix.

 La Vice-Secrétaire générale de l'ONU, Amina J. Mohammed, s'adresse au Conseil de sécurité lors du débat public sur les femmes, la paix et la sécurité le 16 avril 2018.
Photo : ONU/Mark Garten
La Vice-Secrétaire générale de l'ONU, Amina J. Mohammed, s'adresse au Conseil de sécurité lors du débat public sur les femmes, la paix et la sécurité le 16 avril 2018.

Ainsi, par exemple, une équipe de policières britanniques et congolaises a été dépêchée dans l’est de la République démocratique du Congo pour veiller à ce que les violences sexuelles commises fassent l’objet de poursuites, a noté Mme Mohammed. Elle a aussi mentionné le rôle crucial que sont appelés à jouer les conseillers à l’égalité des sexes dans l’élaboration de politiques de lutte contre la violence sexuelle.

« Des conseillers pour la protection des femmes ont été déployés dans des missions sur le terrain afin de générer des informations exploitables et de poursuivre un dialogue sur la protection avec les parties au conflit », s’est pour sa part félicitée, Pramila Patten, la Représentante spéciale sur les violences sexuelles dans les conflits. « Aujourd'hui, nous soutenons des milliers de survivants que nous n'atteignions pas il y a dix ans », a-t-elle ajouté.

 « Mais nous devons faire bien plus pour lutter contre l’impunité et faire en sorte que des hommes, des garçons, des femmes et des filles n’aient plus à subir la violence sexuelle en temps de conflit », a déclaré la Vice-Secrétaire générale.

Pour Mme Patten, « nous devons de toute urgence consolider les progrès - en garantissant la reddition de comptes - ou risquer un renversement, qui ferait que le viol en temps de guerre soit à nouveau ‘normalisé’ en raison de la fréquence et de l'impunité », a-t-elle prévenu.

Lutter contre la stigmatisation des victimes de violences sexuelles commises durant les conflits

Pramila Patten a également alerté les membres du Conseil sur les mécanismes « négatifs » en réponse aux risques de viols, tels que les mariages précoces ou ceux dans lesquels les femmes et les filles sont contraintes d’épouser leurs violeurs.

La Représentante spéciale sur les violences sexuelles dans les conflits a appelé à lutter contre la stigmatisation qui frappe les victimes, et qui selon elle, peut avoir des répercussions mortelles, notamment des ‘crimes d'honneur’, des suicides, des maladies non traitées (telles que le VIH), des fistules traumatiques, des avortements à risque, la mortalité maternelle, l'extrême pauvreté et des comportements de survie à haut risque.

La Représentante spéciale de l'ONU sur la violence sexuelle dans les conflits, Pramila Patten, s'adresse au Conseil de sécurité lors du débat ouvert sur les femmes, la paix et la sécurité
Photo : ONU/Eskinder Debebe
La Représentante spéciale de l'ONU sur la violence sexuelle dans les conflits, Pramila Patten, s'adresse au Conseil de sécurité lors du débat ouvert sur les femmes, la paix et la sécurité

« L'histoire du viol en temps de guerre a été une histoire de déni. Aucun problème ne peut être résolu par le silence », a souligné la Représentante spéciale qui a appelé la communauté internationale à ne pas perdre de vue ce fléau mondial.  

« Si les résolutions du Conseil de sécurité sur la violence sexuelle nous disent une chose, c'est que le viol en temps de guerre est évitable, et non inévitable », a dit Mme Pratten. « S’attaquer (au problème du viol) est notre responsabilité collective. Les survivants regardent et attendent - nous ne pouvons pas nous permettre de les laisser tomber ».