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Mali : un expert de l’ONU préoccupé par l’instabilité au centre du pays

En patrouille, les Casques bleus au Mali s'arrêtent très peu.
Photo : ONU/Sylvain Liechti
En patrouille, les Casques bleus au Mali s'arrêtent très peu.

Mali : un expert de l’ONU préoccupé par l’instabilité au centre du pays

Paix et sécurité

Le Conseil des droits de l’homme a examiné, ce mercredi matin, le rapport de l’Expert indépendant sur la situation des droits de l’homme au Mali. M. Suliman Baldo est ainsi revenu sur la visite qu’il a effectuée du 12 au 16 mars dernier, avec cette étape au centre du pays, notamment dans la région de Mopti.

Lors de cette visite, l’Expert indépendant a constaté une nette détérioration de la situation sur le plan sécuritaire, des droits de l’homme et sur le plan humanitaire. « Lors d’une mission de terrain à Mopti au centre du pays, j’ai pu constater que la situation sécuritaire reste extrêmement instable », a-t-il fait remarquer, tout en décrivant « des communautés victimes tous les jours de menaces, d’assassinats ciblés, d’enlèvements et d’attaques indiscriminées ». « Les auteurs de la plupart de ces violations sont les groupes extrémistes, notamment Jama’at Nusrat Wa al-Muslmeen (JNIM), qui cherchent à imposer leur propre interprétation restrictive de l’islam et à châtier ceux qu’ils soupçonnent d’être des informateurs pour les autorités maliennes ou pour les forces internationales », a déclaré M. Baldo.

Des attaques plus meurtrières des extrémistes contre les forces de l’ONU et du Mali

L’Expert onusien rappelle que les forces gouvernementales et internationales, y compris la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), sont fréquemment la cible d’attaques asymétriques de JNIM et d’autres groupes extrémistes, notamment dans le centre du pays.  Entre novembre 2017 et février 2018, au moins 38 éléments des forces de défense et de sécurité maliennes (FDSM) et 8 soldats de la MINUSMA ont été tués. 

M. Baldo a également mentionné les abus et violations qui auraient été commis par les FDSM contre la population, tels que des exécutions sommaires ou extrajudiciaires, des disparitions forcées, des cas de torture et de mauvais traitements. « Au demeurant, je suis encouragé par la déclaration publiée le 27 février 2018 par le Gouvernement annonçant qu’il allait ouvrir une enquête sur les évènements de Sokolo (région de Mopti) au cours desquels des allégations crédibles font état de l’exécution sommaire le 21 février, d’au moins sept personnes par des éléments des Forces Armées Maliennes (FAMa) », a-t-il indiqué. 

En attendant, la persistance de l’insécurité a eu pour effet de paralyser l’économie locale et a poussé les services publics de l’État, dans le domaine de l’éducation, la santé et la justice, à quitter les zones touchées.  À la fin du mois de février 2018, plus de 715 écoles ont dû fermer dans le centre et le nord du Mali.  En outre, abandonnées à elles-mêmes, sans accès à la protection des autorités nationales, les communautés locales ont tendance à former des milices d’auto-défense et les conflits intercommunautaires sont plus meurtriers. « L’expansion des groupes extrémistes violents constitue aussi une menace réelle pour les libertés fondamentales de religion et de conscience », a-t-il fait remarquer.

Situation humanitaire critique à Kidal

Sur le plan humanitaire, l’Expert indépendant a déploré des attaques régulières contre les acteurs humanitaires, en particulier dans le nord du Mali. Or avec 60% de la population vivant en dessous du seuil de pauvreté, et les trois quarts de celle-ci vivant dans les zones rurales, ainsi qu’environ 20% de la population souffrant d’insécurité alimentaire, la situation est critique. « Le manque de présence de l’État dans de nombreuses régions du nord et dans le centre du pays a réduit l’accès à une grande partie de la population aux services de base », a ajouté l’Expert onusien. Selon Suliman Baldo, la situation est particulièrement préoccupante à Kidal, où le Comité international de la Croix-Rouge a dû suspendre ses opérations entre le 24 avril et le 12 mai 2017 puis à nouveau les réduire du 18 octobre au 16 novembre dernier.

Face au tableau décrit par l’Expert indépendant, la Ministre des droits de l’homme du Mali a relevé les efforts déployés par Bamako en vue d’enquêter sur toutes les allégations de violation des droits de l’homme, y compris celles formulées à l’encontre des forces de l’ordre et de sécurité.  Dans ce contexte, la Commission nationale des droits de l’homme a été saisie pour enquêter sur les allégations contenues dans les rapports publiés par certaines organisations internationales des droits de l’homme. 

Cependant, a souligné Mme Kadidia Sangaré Coulibaly, en dépit des efforts du Gouvernement, des institutions, de la société civile et de la communauté internationale, la situation des droits de l’homme demeure précaire à cause de l’exacerbation de la violence consécutive aux actes terroristes et à la criminalité transnationale organisée.  C’est pourquoi le Gouvernement du Mali sollicite le renouvellement du mandat de l’Expert indépendant.