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Turquie : de nombreuses violations des droits de l'homme liées à l’état d'urgence (ONU)

Une rue animée d'Istanbul, en Turquie. Photo Banque mondiale/Simone D. McCourtie
Une rue animée d'Istanbul, en Turquie. Photo Banque mondiale/Simone D. McCourtie

Turquie : de nombreuses violations des droits de l'homme liées à l’état d'urgence (ONU)

Droits de l'homme

Les reconductions régulières de l'état d'urgence en Turquie depuis juillet 2016 ont entraîné de graves violations des droits humains de centaines de milliers de personnes, selon un rapport publié mardi par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme (HCDH).

Le rapport, qui couvre la période comprise entre le 1er janvier et le 31 décembre 2017, fait état de cas de torture, de mauvais traitements, de détentions arbitraires, de privation arbitraire du droit au travail, ou encore d’atteintes à la liberté d’association et d’expression.

D’après le rapport, l’état d’urgence a été utilisé par Ankara « pour étouffer toute forme de critique ou de dissidence à l’égard du gouvernement ».

Le Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, Zeid Ra’ad Al Hussein, souligne dans ce rapport le nombre « ahurissant » de près de 160.000 personnes arrêtées depuis le début de l’état d’urgence. Il note aussi que 152 000 fonctionnaires ont été renvoyés, « dont beaucoup de manière arbitraire ». Des enseignants, juges et avocats ont été renvoyés ou poursuivis.

Le rapport note également qu’environ 300 journalistes ont été arrêtés au motif que leurs publications contenaient « des sentiments d’apologie au terrorisme » ou d’autres « infractions verbales » ou « d’appartenance » à des organisations terroristes. Plus de 100.000 sites web auraient été bloqués en 2017, dont de nombreux pro-kurdes et des chaînes de télévision par satellite.

Selon M. Zeid, l’état d’urgence a clairement été utilisé pour entraver gravement et arbitrairement les droits de l’homme d’un très grand nombre de personnes.

Des femmes enceintes emprisonnées abusivement

L’une des conclusions les plus alarmantes du rapport, selon M. Zeid, est « la manière dont les autorités turques auraient détenu une centaine de femmes enceintes ou venant d’accoucher, principalement au motif qu’elles étaient associées à leurs maris [respectifs], soupçonnés d’être liés à des organisations terroristes ». Selon le Haut-Commissaire, certaines de ces femmes ont été détenues avec leurs enfants et d’autres ont été « violemment séparées d’eux ».

« Ils m’ont emmené au poste de police. Ils ont appelé le procureur et lui ont dit au téléphone ‘nous avons arrêté la femme d’un terroriste’. Puis le policier a commencé à me menacer de me déshabiller et de me montrer aux soldats détenus. Il a mis ses mains sous mon t-shirt et a commencé à l’enlever. J’étais incapable de réagir », témoigne ainsi une femme turque interrogée par le HCDH dont le conjoint est suspecté d’être proche du réseau de Fethullah Gülen.

Au total, le Haut-Commissariat aux droits de l’homme estime qu’à la date de décembre 2017, environ 600 femmes avec de jeunes enfants étaient détenues en Turquie, dont une centaine de femmes enceintes ou venant d’accoucher.

Le HCDH reconnaît cependant dans son rapport que la Turquie doit faire face à « des défis complexes » pour « répondre à la tentative de coup d’État du 15 juillet 2016 et à un certain nombre d’attentats terroristes ». Mais le rapport indique également que le simple nombre et la fréquence des décrets d’urgence, ainsi que l’absence de lien entre ces décrets et la menace nationale semblent pointer une utilisation des pouvoirs d’urgence pour étouffer toute forme de critique ou de dissidence à l’égard du gouvernement.

Les services du Haut-Commissaire Zeid exhortent le gouvernement de la Turquie à faire en sorte que ces allégations de violations graves des droits de l’homme fassent l’objet d’une enquête et que leurs auteurs soient traduits en justice. Pour avoir une vision exhaustive de la situation, le HCDH demande à nouveau un accès complet à la région.

Le rapport a été notamment établi sur la base de 104 discussions avec des victimes, des témoins et des proches de victimes. Il est également basé sur une analyse d’informations gouvernementales ; ainsi que des documents relevant du domaine public, des images satellite et du matériel audiovisuel, entre autres matériels appropriés.