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Philippines : l’ONU juge inacceptable les accusations de terrorisme contre une experte des droits de l’homme

La Rapporteuse spéciale sur les droits des peuples autochtones, Victoria Tauli-Corpuz. Photo ONU/Eskinder Debebe
La Rapporteuse spéciale sur les droits des peuples autochtones, Victoria Tauli-Corpuz. Photo ONU/Eskinder Debebe

Philippines : l’ONU juge inacceptable les accusations de terrorisme contre une experte des droits de l’homme

Droits de l'homme

Le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Zeid Ra’ad Al Hussein, a qualifié d’« inacceptable » les accusations de terrorisme portées par le gouvernement philippin contre la Rapporteure spéciale de l'ONU sur les droits des peuples autochtones, Victoria Tauli-Corpuz.

Le 21 février, Le ministère de la justice des Philippines, a déposé devant un tribunal de Manille une liste comportant les noms de 600 personnes accusées de terrorisme et d'appartenance présumée à la New People's Army et au Parti communiste des Philippines.

Les noms de Mme Tauli-Corpuz et de deux autres experts philippins travaillant pour le mécanisme d’experts sur les droits de personnes autochtones ont également inscrits à cette une pétition judicaire. Un acte qui semble être lié aux déclarations publiques faites par Mme Tauli-Corpuz sur les attaques et massacres de populations autochtones Lumad par des membres des forces armées à Mindanao, dans le sud du pays.

« Il est inacceptable qu’une Rapporteure spéciale agissant au nom de la communauté internationale, dont l’expertise est sollicitée par le Conseil des droits de l’homme, soit traitée de la sorte », a déclaré Zeid lors d’une conférence de presse à Genève, espérant que le Conseil répondra de manière appropriée.

« Ces attaques, avec les attaques scandaleuses du président des Philippines contre Agnès Callamard, Rapporteure spéciale contre les exécutions extrajudiciaires, ne peuvent rester sans réponse », a souligné le chef des droits de l’homme de l’ONU.

« Le Conseil des droits de l'homme doit adopter une position forte », a déclaré le Haut-Commissaire. « Il est absolument déplorable que le président d'un pays puisse s'exprimer d’une manière aussi grossière contre une Rapporteure très respectée. Et cela porte à croire que le président des Philippines devrait se soumettre à une sorte d'évaluation psychiatrique », a-t-il ajouté.

Des experts appellent Manillle à abandonner les accusations contre Mme Tauli-Corpuz

La veille, des experts des droits de l'homme des Nations Unies ont également exprimé leurs profondes inquiétudes face aux accusations de terrorisme portées contre Mme Tauli-Corpuz estimant que la pétition judiciaire déposée et citant le nom de l’experte constitue une attaque inacceptable par le gouvernement philippin contre la titulaire du mandat.

« Nous sommes choqués que la Rapporteuse spéciale soit ciblée en raison de son travail de défense des droits des peuples autochtones », ont déclaré Michel Forst, Rapporteur spécial sur la situation des défenseurs des droits de l'homme, et Catalina Devandas Aguilar, Présidente du Comité de coordination des procédures spéciales, considérant cette accusation comme « un acte de représailles » aux déclarations publiques faites par Mme Tauli-Corpuz.

Dans un communiqué de presse publié le 27 décembre 2017, la Rapporteure spécial a abordé la question des attaques et massacres à Mindanao, conformément à la responsabilité qui lui a été confiée par le Conseil des droits de l'homme de signaler les violations présumées des droits des peuples autochtones dans le monde.

Le porte-parole du président philippin a réagi avec hostilité au communiqué de presse, accusant publiquement la Rapporteure spéciale de chercher à embarrasser l'administration Duterte. « Nous appelons les autorités philippines à abandonner immédiatement ces accusations sans fondement contre Mme Tauli-Corpuz et à garantir sa sécurité physique et celle des autres personnes », ont déclaré les experts de l'ONU, rappelant à Manille les obligations qui lui incombent en vertu de la Convention sur les privilèges et immunités des Nations Unies de 1946.

L'attaque contre Mme Tauli-Corpuz s’inscrit dans un contexte d'exécutions extrajudiciaires généralisées et d'attaques continues contre des voix critiques à l'égard du gouvernement actuel, y compris des défenseurs des droits de l'homme. Le président a lui-même intimidé publiquement les rapporteurs spéciaux.

« Mme Tauli-Corpuz est une défenseure des droits humains », ont déclaré les experts. « Par conséquent, le gouvernement des Philippines a le devoir, en vertu de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l'homme, de garantir son droit de promouvoir et de lutter pour la réalisation des droits de l'homme ».