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L’ONU regrette l'adoption de la loi sur « l'influence étrangère » en Géorgie

Tbilissi, la capitale de la Géorgie.
UNO Georgia/A.Nesterenko
Tbilissi, la capitale de la Géorgie.

L’ONU regrette l'adoption de la loi sur « l'influence étrangère » en Géorgie

Droits de l'homme

Le chef des droits de l'homme de l'ONU, Volker Türk, a exprimé mercredi ses profonds regrets quant à l'adoption par le Parlement géorgien de la loi sur la transparence de l'influence étrangère, soulignant que cette législation porte gravement atteinte aux libertés d'expression et d'association.

« Les autorités et les législateurs ont choisi d'ignorer les nombreux avertissements des défenseurs des droits humains et des organisations de la société civile », a déclaré M. Türk. « Les impacts sur les droits à la liberté d’expression et d’association en Géorgie risquent malheureusement désormais d’être importants ».

Climat de peur

La loi, adoptée mardi, déclare les organisations de la société civile et les médias qui reçoivent plus de 20% de leur financement de sources étrangères comme « organisations agissant dans l’intérêt d’une puissance étrangère » et exige un enregistrement en tant que tel.

« La capacité des associations à rechercher, sécuriser et utiliser des ressources est essentielle à leur fonctionnement efficace. Cette loi trop large risque d’être étiquetée et stigmatisée et de devoir faire face à un climat de méfiance, de peur et d’hostilité », a souligné le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme.

Selon lui, l’obligation d’enregistrement peut également avoir un effet dissuasif sur ces associations, réduisant considérablement leurs activités. « Étouffer les voix diverses sur des questions d’intérêt public majeur ne fera que compliquer la capacité du gouvernement à répondre efficacement aux nombreux défis auxquels le pays est confronté par des mesures législatives et politiques judicieuses », a-t-il estimé.

Appel à abandonner la loi

Volker Türk a réitéré son appel pour que la loi soit abandonnée et que les autorités engagent un dialogue avec les médias et les organisations de la société civile concernés ainsi qu'avec les défenseurs des droits humains.

Le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme (HCDH) a déjà exprimé ses inquiétudes quant au recours inutile et disproportionné à la force contre les manifestants.

« Les autorités doivent enquêter rapidement sur les allégations de violences et de mauvais traitements dans le contexte des manifestations, y compris les agressions signalées contre des manifestants et leurs familles », a dit M. Türk.

Il a appelé « les autorités géorgiennes à s'appuyer sur les récentes avancées importantes en matière de droits humains et à travailler avec la société civile dynamique du pays pour résoudre les défis actuels par le biais d'un processus inclusif et centré sur les droits ».

Effet dissuasif sur la société civile, selon des expertes

Quatre expertes de l'ONU ont également condamné l'adoption de la loi, estimant qu'elle aura un effet dissuasif sur la société civile, les journalistes et les défenseurs des droits de l'homme et enverra un signal extrêmement négatif sur l'engagement du pays en faveur des droits humains.

« Nous sommes choquées que, malgré l’opposition claire d’une partie importante de la population géorgienne, la loi ait été adoptée rapidement par le Parlement, les médias et les représentants de la société civile se voyant refuser l'accès aux débats », ont déclaré dans un communiqué conjoint Mary Lawlor, Rapporteure spéciale sur la situation des défenseurs des droits de l'homme, Gina Romero, Rapporteure spéciale sur les droits à la liberté de réunion pacifique et d'association, Irene Khan, Rapporteure spéciale sur le droit à la liberté d'opinion et d'expression, et Cecilia M Bailliet, Experte indépendante sur les droits de l'homme et la solidarité internationale.

« Nous sommes gravement préoccupées par la rapidité des délibérations au Parlement, qui semblent avoir eu lieu sans consultations inclusives, transparentes et véritables avec la société civile, la société dans son ensemble et les partis d'opposition », a dit Mary Lawlor.

« Si elle est promulguée par le Président, la loi placera la Géorgie en violation de ses obligations en matière de droits de l'homme, notamment en matière de liberté d'association », ont averti les quatre expertes.